Cass, Civ. 1ère, 17 avril 2019, n°18-15951, inédit.
Rappel des dispositions légales et de la pratique jurisprudentielle. Lorsque la résidence est fixée chez l’un des parents, l’autre parent a le droit d’entretenir avec les enfants des relations personnelles, ce qui implique en principe l’exercice d’un droit de visite et d’hébergement (C. civ., art. 373-2-9).
Néanmoins, l’article 373-2-1 du Code civil prévoit que l’exercice d’un droit de visite et d’hébergement ne peut être refusé à un parent « que pour des motifs graves ».
Cette disposition légale, compte tenu de sa radicalité, n’est que très rarement appliquée par les juges du fond. Elle n’est réservée qu’aux situations les plus extrêmes, c’est-à-dire les plus dangereuses pour les enfants mineurs, que le danger pèse sur leur sécurité physique, psychique ou sur leur moralité.
Ainsi, ont été considérés comme des motifs graves justifiant la suppression du droit de visite :
- Les pressions exercées par un père pour obliger sa fille à porter le voile (Civ. 1ère, 24 oct. 2000, n° 98-14.386).
- Les difficultés relationnelles persistantes entre le père et sa fille, se traduisant notamment par le refus de la mineure de lui parler, et l’attitude inadaptée de celui-ci qui a tenu des propos dénigrants à l’égard de la mère et lui a laissé entendre qu’il pourrait en obtenir la résidence (Cour de cassation, Civ. 1ère, 4 juillet 2018, n° 17-14.955)
- Le refus d’un père de laisser rentrer l’enfant en France après les vacances scolaires (Civ. 1ère, 17 janv. 2006, n° 03-14.421).
Illustration récente avec l’arrêt de la 1èreChambre civile de la Cour de Cassation du 17 avril 2019, n° 18-15.951. Dans l’affaire ayant conduit au prononcé de cette décision, les juges du fond avaient relevé que le père avait été condamné pour des faits de corruption de mineures (au moins 40 victimes) et de détention d’images pédopornographiques et que l’un de ses deux enfants avait « répété devant l’expert qu’elle détestait les visites médiatisées, qu’elle avait peur de voir son père car il avait fait du mal et de la prison, (…) que lors de son audition du 15 avril 2015, elle a évoqué les violences conjugales dont elle a été témoin et qui l’ont insécurisée ».
Les juges du fond soulignèrent également que l’expert psychiatre désigné dans le cadre de la procédure pénale avait diagnostiqué chez le père « une addiction sexuelle compliquée par de multiples paraphilies (pratiques sexuelles anormales), se greffant sur une personnalité perverse, avec goût pour la manipulation et déni de l’altérité ». Ils relevèrent de surcroît que dans le cadre de la procédure pénale, la chambre des appels correctionnels de la cour avait rappelé que l’expert avait considéré le risque de récidive comme réel, et « relevé l’absence de véritable travail d’introspection notamment quant aux faits pour lesquels il avait été condamnés ».
Au regard de l’ensemble de ces éléments, la Cour d’appel de Colmar avait décidé de supprimer le droit de visite du père.
Ce dernier a alors formé un pourvoi devant la Cour de cassation. Il sollicitait la cassation de l’arrêt, aux motifs que les juges du fond n’auraient pas caractérisé les motifs graves s’opposant au refus du droit de visite médiatisé sollicité par lui.
Dans son dispositif, la Cour de cassation a estimé que la cour d’appel, en constatant que l’intérêt des mineures commandait de ne pas poursuivre les rencontres en lieu neutre, a « fait ressortir les motifs graves qui justifiaient la suppression du droit de visite du père ».