Civ. 1ère, 29 mai 2019, n°18-13383, publication à venir
Le nouveau Règlement (UE) n°650/2012 du 4 juillet 2012 sur les successions internationales, entré en vigueur le 17 août 2015, pose comme règle générale que sont compétentes, pour statuer sur l’ensemble d’une succession, les juridictions de l’État membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès.
Ainsi, lorsque le défunt n’avait pas sa résidence habituelle en France, le Règlement du 4 juillet 2012 ne fonde théoriquement pas la compétence des juridictions françaises pour connaître du défunt (y compris lorsque le défunt est décédé en France mais n’y avait pas sa résidence habituelle).
Toutefois, l’article 10 du Règlement prévoit des règles de compétence subsidiaires, afin de permettre aux juridictions des États membres de connaître d’une succession lorsque le défunt n’avait pas sa résidence habituelle dans un État membre de l’Union européenne au moment de son décès, si certaines conditions sont réunies.
Les juridictions d’un État membre peuvent ainsi se reconnaître compétentes pour statuer sur l’ensemble de la succession du défunt si des biens successoraux se situaient dans cet État membre, à condition que le défunt ait par ailleurs possédé la nationalité de cet État membre au moment de son décès, ou, à défaut, qu’il ait eu antérieurement sa résidence habituelle dans cet État membre moins de cinq ans avant la saisine de la juridiction.
Dans l’affaire ayant donné lieu au présent arrêt rendu le 29 mai 2019 par la Cour de cassation, le défunt était décédé à New York et avait, dans son testament, exhérédé (déshérité) une de ses filles, qui avait assigné ses frère et sœur en France en partage judiciaire de la succession. Voir reconnaître la compétence des juridictions françaises était primordial pour elle puisque ceci aurait permis de faire échec au testament la déshéritant, à condition que les juridictions françaises, une fois saisies, aient considéré qu’il fallait soit appliquer la loi française, soit écarter le souhait du défunt de la déshériter comme étant contraire à l’ordre public international français, au nom de la réserve héréditaire qui, en France, interdit – parfois théoriquement – de déshériter ses enfants.
Les juges du fond avaient souverainement estimé, au vu des éléments produits devant eux – et sont approuvés en cela par la Cour de cassation, que le défunt n’avait pas sa résidence habituelle en France. La compétence des juridictions françaises devait donc être fondée sur les règles de compétence subsidiaires posés par l’article 10 du Règlement.
Sur ce fondement, la fille du défunt arguait du fait que le défunt, qui était de nationalité française, possédait des biens successoraux en France, ce qui permettait de fonder la compétence subsidiaire des juridictions françaises.
Or, le titre de propriété du bien en question avait été établi au nom des frère et sœur de la demanderesse au pourvoi et non à celui du défunt lui-même. Celle-ci arguait du fait que si le bien avait certes été acquis au nom de ses frère et sœur, il avait été payé par le défunt ay moyen de ses deniers personnels, ce qui fondait sa propriété sur le bien.
La Cour de cassation rejette le pourvoi, et plus généralement le raisonnement suivi par la demanderesse, en jugeant que :
« ayant constaté que le titre de propriété de l’appartement […] , était établi au nom des consorts H… et relevé qu’il appartiendrait à la juridiction compétente de déterminer la masse successorale, l’arrêt retient qu’en l’état actuel de la procédure, aucun bien immobilier appartenant au défunt n’est situé sur le territoire français ; qu’en l’état de ses constatations et appréciations, dont résultait l’absence de biens successoraux situés en France, la cour d’appel a légalement justifié sa décision d’écarter la compétence subsidiaire du tribunal de grande instance de Paris ».
Règlement UE
La Cour juge donc que c’est à la juridiction compétente qu’il reviendra de déterminer la masse successorale, c’est-à-dire de trancher la question de savoir si le bien en question, situé en France, appartenait bien au défunt. Or, la juridiction ne l’ayant pas fait à ce stade, il ne peut être considéré que des biens successoraux se trouvaient bien en France, ce qui ne permettait pas aux juridictions françaises de se considérer compétents, à ce stade, sur le fondement de l’article 10 du Règlement.
On peut donc imaginer que les juridictions françaises puissent se reconnaître compétentes ultérieurement, dans l’hypothèse où la demanderesse aurait, avec succès, fait juger que malgré ce qu’indiquait le titre de propriété, le bien immobilier appartenait bien à son père. Encore faudrait-il alors que les opérations de liquidation de la succession du défunt n’aient pas entretemps été finalisées dans une autre juridiction (en l’occurrence, celle de New-York).